Debate
Vx-Colombier
Vx-Colombier
Populaire et populiste,...
2008-11-29 00:00:00 2008-11-29 00:00:00
Quatre samedis dans la saison, la Comédie-Française vous propose d’assister et de participer à des rencontres, réunissant, sur des thèmes liés à l’actualité, des historiens, des universitaires, des hommes de théâtre, des journalistes, des comédiens ou des essayistes, pour une confrontation d’opinions et d’analyses. Chaque rendez-vous comprend une introduction historique, suivie d’un débat. Les thèmes abordés sont illustrés par des lectures, des extraits sonores ou des projections.
Débat animé par Joël Huthwohl, directeur du département des arts du spectacle à la Bibliothèque nationale de France et par Laure Saveuse-Boulay, doctorante en histoire. En présence d’Irène Bonnaud, metteur en scène, Marion Denizot, maître de conférence à l’Université de Rennes 2, Roger Mollien, pensionnaire de la Comédie-Française et ancien comédien de la troupe de Jean Vilar et Jacques Nerson, journaliste.
La création et le développement d’un théâtre populaire a longtemps été un combat à mener, un idéal à atteindre, une mission à défendre. Jean Vilar lui donne corps et vie en ouvrant à Chaillot son Théâtre national populaire en 1951 ; le modèle qu’il forge s’appuie sur les principes d’un élargissement des publics, notamment au profit des gens modestes - du peuple au sens restreint du terme - d’un accès rendu possible aux grandes œuvres à l’instar des directives de Malraux et d’une inscription forte du projet dans la notion d’un service public du théâtre. Même logique au festival d’Avignon qu’il a créé et animé jusqu’à sa mort en 1971. Le succès de l’aventure est indéniable. Y a-t-il pour autant consensus aujourd’hui sur ce qu’est ou devrait être un théâtre populaire ? La polémique suscitée par la programmation du festival d’Avignon 2005, centrée sur l’œuvre de Jan Fabre, montre qu’il y a débat. Une partie de la presse et du public a vu dans les propositions de cet été-là de l’élitisme, voire du snobisme, en tout cas la méconnaissance de ce qu’est et souhaite le « vrai public » ; d’autres ont soutenu l’exigence artistique refusant le populisme qui consisterait à flatter le public par des spectacles faciles. De manière plus générale, à l’ambition de rendre accessible au plus grand nombre un « répertoire de haute culture » dans une « dramaturgie d’avant-garde » (Roland Barthes, 1954) se sont progressivement substituées la notion de « démocratisation culturelle » et l’envie de répondre à la demande. Se pose alors à nous la question des limites entre théâtre d’art et divertissement, entre théâtre citoyen et théâtre tout public, entre populaire et populiste.
J.H.
Références des textes lus par Roger Mollien
Jean Vilar, « Le T.N.P. service public », 1953, cité dans Le Théâtre service public. Paris : Gallimard, 1975.
Roland Barthes, « Pour une définition du théâtre populaire » dans Publi 54, Avignon, juillet 1954 cité dans Écrits sur le théâtre. Paris : Seuil, 2002.
Laurent Brunner, « Consensus et populisme » dans Les Controverses d’Avignon. Le théâtre public, mort ou vif ?, site Internet Controverses, http://www.lafriche.org/manifeste/, 1998.
Eugène Morel, « Projet de théâtre populaire » dans Revue d’art dramatique, 1900, cité dans Théâtre populaire, enjeux politiques. De Jaurès à Malraux par Chantal Meyer-Plantureux. Paris : Complexe, 2006.
Participez au débat et posez vos questions dès maintenant !
Voir la vidéo de présentation sur theatre-contemporain.net.
Chronique de Laure Saveuse-Boulay
Faux public ! « Depuis près de trois quarts d’heure, nous débattons sur le théâtre populaire, le théâtre populiste, le théâtre élitiste… Au cœur de la polémique le destinataire, le Public… Et, lorsque j’écoute les chroniques à la radio, lorsque je lis la presse, lorsque j’entends les auteurs, les acteurs… je suis frappée, de constater à quel point ce public, est analysé sous toutes ses coutures, décomposé, divisé… je suis notamment frappée d’entendre souvent évoqué, voire invoqué un Vrai public…. Le Vrai public …
… Toi-même Joël, revenant sur la polémique suscitée par la programmation du festival d’Avignon 2005, centrée sur l’œuvre de Jan Fabre… tu évoques une partie de la presse et du public qui aurait vu dans les propositions de cet été-là « de l’élitisme, voire du snobisme, en tout cas la méconnaissance de ce qu’est et souhaite le «Vrai public! »…
… Nouvel attribut, nouvelle division : …le Vrai public. …Pauvre public ! Nous cherchons absolument à le diviser… Pauvre Public malmené… Je repense notamment à ces mots de Daniel Mesguich qui écrit dans L’éternel éphémère : « en un certain sens le public est « fasciste », la masse du public toujours est régressive, bien que chacune des solitudes qui la composent soit théoriquement susceptible d’écoute, d’ouverture, de rêve »….
… « Masse du public », public, est-ce parce que nous te craignons… que nous te décortiquons, nous t’analysons, nous te divisons ?…
… public d’emblée divisé depuis ses origines… Dans le passé et encore parfois aujourd’hui, par l’architecture : ainsi le public d’un théâtre à l’italienne ne se définissait que par la pluralité de ses publics, le public du poulailler, le public des loges, le public des baignoires, le public du parterre… Autre division socio-temporelle cette fois-ci : le public des générales, le public des premières, le public des couturières… Autre division plus récente …. perdant définitivement toute poésie… le public scolaire, le public des collectivités, le public des comités d’entreprises… sans parler du public parisien… ou encore du public du « public »… et du public du privé…
… Non, énième distinction, véritable scission cette fois-ci… il y aurait un Vrai public… ce qui nous laisse inévitablement penser qu’il y aurait aussi un Faux public….
Tenter de le démasquer n’est pas chose aisée !
… oh ! J’ai bien essayé tout à l’heure… je vous observais entrer dans la salle, incognitos… masqués… et je me disais … Tiens lui avec son air grave, son journal sous le bras… hum ! Ce n’est visiblement pas la première fois que tu viens au Vieux-Colombier…. Faux spectateur ! Faux Public !... Oh ! Tiens lui là il a une invitation ! Faux spectateur ! Faux public !.... Et puis soudain là, j’ai vu un groupe, spontané, volubile,… voyons…. Ils avaient des places…. achetées… manifestement ne connaissaient pas les lieux…. Ah ! Vrai public en quête d’aventure ! ... Pas de chance, c’était la famille de Joël Huthwohl qui ignorait que l’on pouvait avoir des places gratuites !…
… non ce n’est définitivement pas simple… mais les usagers de ce terme sont eux-mêmes en plein désaccord, en pleine contradiction !.... Ainsi, dans l’ouvrage déjà daté de Jean Duvignaud et Jean Lagoutte, Le théâtre contemporain : culture et contre-culture (1974), il est écrit que le Vrai public est celui qui va au théâtre pour "passer une soirée"… le Faux public, que fait-il alors ? Il passe aussi une soirée… Ah ! … Mais il n’est pas aussi léger, il passe la soirée à se torturer l’esprit ! Pff… Faux public !
… souvent, comme l’a fait Joël, cette distinction apparaît aussi lorsqu’on s’intéresse au public du Festival d’Avignon. Ainsi Alain Léonard, auteur et comédien qui a présidé jusqu’en 2005 l’Association Festival Avignon Public Off disait : « Il faut distinguer le vrai public et les vrais spectateurs du peuple des touristes qui fait le plus de bruit. L’esprit du Festival répond à une fonction pédagogique pour le vacancier éclairé qui se pose des questions et progresse dans l’appréhension esthétique. Le Festival s’entend comme une école du spectateur. »…. Ah ! Mais alors le Vrai public se pose des questions lui aussi ! Faux public ! Bandes de brutes non éclairées….
… mais plus récemment, pourtant il s’agissait-là du même public avignonnais, une célèbre journaliste de L’Express, Laurence Liban, sur son blog consacré au théâtre, le 7 septembre dernier, se remémorait le dernier festival d’Avignon : « Ce que j'ai vu, moi, (nous dit-elle) c'est un public, un certain public, tout fait, tout acquis, prêt à toutes les aventures, à l'aveuglette ou presque, un public formé de longue date. Mais la question que je me pose est : où est LE public, le vrai public, celui qui ne se coopte pas, celui qui vient pour être étonné, ému? Où sont les gens, quoi, les vrais gens qui se risquent à prendre un billet de théâtre? Le public non formé qui ne demande qu'à l'être? » Ah… mais non alors, justement le Vrai public c’est un public brut, sans pensée raisonnée, sans démarche construite ! … Faux public qui a déjà lu la pièce avant de venir… et qui plus est, y a déjà réfléchi avant de s’asseoir dans son fauteuil !
… ainsi comme il y a de Vrai et de Faux électeurs, il y aurait un Vrai et un Faux public… pour résumer un Vrai public, une sorte de public sublimé, public rêvé, pur, dans l’instant, dans la découverte, dans l’émotion…. Et un Faux public… pourtant en chair et en os, un Faux public, être de construction, être de raisonnement, être d’intellect, désormais incapable d’émotion….
Le Faux public serait donc outre les professionnels, et l’entourage des équipes artistiques, celui :
qui ne paye pas sa place,
qui connaît déjà la pièce,
qui est amateur de théâtre depuis longue date,
qui cherche à intellectualiser sa démarche,
qui ne laisse pas ses émotions s’exprimer,
Mais alors qui reste-t-il ? …. Non ça ne marche pas ! Et si ce Faux public était celui que l’on ne veut pas entendre, celui qui dérange, celui qui dans tous les cas pour X raisons n’a pas aimé la pièce. Car le public est craint, les acteurs et le metteur en scène « attendent son verdict », la pièce passe « à l’épreuve de la scène et du public »…
Arrêtons de le craindre, arrêtons de le diviser ce pauvre public. Le Vrai public n’est justement pas uniforme, le Vrai public ne nait-il pas au contraire de la fusion de toutes ces individualités ? Ceux qui payent, ceux qui entrent librement, les simples, les érudits, les critiques, les mondains, les passants… ce seul « être » finalement capable de fusion …
Et je terminerai sur ces mots de Jouvet (Témoignage sur le théâtre) :
« Ce qui importe à l’homme de théâtre est de créer des « moments dramatiques », ces moments où subitement dans la salle, se produit un « précipité » des sentiments, où les spectateurs, distincts et indifférents, réunis en assemblée au gré du hasard, se transforment soudain en un être unique, sensible et chaleureux, qu’on appelle le public » … j’oserai ajouter … le Vrai public.
29 novembre 2008
Attention : en raison d'une forte demande, les cartes "famille" et "adulte" 2025-2026 ne sont plus disponibles.
Les réservations pour les Cartes et les Individuels se feront uniquement sur Internet et par téléphone au 01 44 58 15 15 (du lundi au samedi de 11h à 18h). Aucune place ne sera vendue aux guichets avant septembre pour la saison 2025-2026
En raison des mesures de sécurité renforcées dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.
Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur ou spectatrice se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.