Le Tartuffe à la Comédie-Française

« Le Tartuffe ou l'Imposteur » de Molière. Théâtre à la table diffusé le samedi 19 décembre à 20h30 sur Facebook et Youtube. Direction artistique Éric Ruf.

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La création

Molière présenta trois versions de sa pièce. En 1664, la première version en trois actes prit place à la fin des festivités des Plaisirs de l’île enchantée données à Versailles par Louis XIV, sous le titre Le Tartuffe ou l’Hypocrite.
Attaqué par les dévots, Molière vit sa pièce interdite par le roi bien que ce dernier l’appréciât et lui permît de la représenter en privé. Les raisons qui dictèrent cette interdiction, officiellement, invoquent la piété du roi, mais touchent plus vraisemblablement à la politique religieuse générale, menée dans un souci d’apaisement. En 1667, Molière présenta une seconde version en cinq actes, sous le titre L’Imposteur, fort de la protection royale qui fut accordée à sa troupe, désormais« Troupe du Roi ». Le propos semblait moins virulent : l’hypocrite (Panulphe et non Tartuffe) n’était plus un vrai dévot dont le comportement contredisait les principes, mais un imposteur qui se faisait passer pour un dévot. La pièce fut à nouveau interdite par le premier président du Parlement de Paris, en vertu de l’interdiction royale de 1664. Depuis septembre 1668, le bruit courait que le roi allait enfin autoriser la pièce. Le public l’attendait. Le 5 février 1669 eut lieu la première représentation de Tartuffe ou l’Imposteur, qui mêlait des éléments des deux précédentes versions. La recette de la première fut considérable, 2860 livres, et le succès ne se démentit pas jusqu’à Pâques. Cette « bataille du Tartuffe » est l’un des combats les plus âpres que Molière eut à mener.
La distribution d’origine était la suivante :Orgon-Molière, Elmire-Armande Béjart, Mme Pernelle-Louis Béjart, Dorine-Madeleine Béjart, Cléante-La Thorillière, Damis-Hubert, Tartuffe-Du Croisy, Marianne-Catherine de Brie, Valère-La Grange.

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Les interprètes de la Maison…

La pièce offre des rôles magnifiques aux interprètes, même dans les partitions secondaires. Les acteurs choisirent d’ailleurs souvent de faire leurs débuts dans les rôles du Tartuffe, le plus souvent Dorine ou Orgon (aucun début ne s’est fait sur Tartuffe aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’emploi n’étant sans doute pas assez déterminé). Les analyses du Tartuffe ont donc longtemps porté sur l’interprétation des acteurs, plus que sur l’orientation générale de la pièce. L’observance ou non des jeux de scène consacrés par la tradition fait donc l’objet de commentaires détaillés par la critique. Le jeu de chaque interprète est jugé à l’aune de celui de ses prédécesseurs, dans le savant dosage de ce qu’il apporte de neuf et de ce qu’il reprend à son compte. Conscient de cette gageure, Préville renonça à jouer le rôle bien qu’il put être de son emploi, jugeant impossible de se conformer aux attentes du public.
Le Tartuffe le plus célèbre du XVIIIe siècle est Augé, qui en fit un franc débauché, multipliant les gestes déplacés à l’encontre d’Elmire. Le souvenir de son interprétation est encore invoquée en 1902 par Jean Bernard : « avec des regards lubriques, des gestes à l’avenant, il forçait Elmire, en plein théâtre, à subir des grossièretés qu’il serait répugnant d’indiquer ». Dans l’entretien entre Elmire et Tartuffe, le jeu des chaises fit école : par trois fois, Tartuffe rapprochait sa chaise de la jeune femme qui déplaçait la sienne pour s’éloigner. Si Préville ne s’y risqua pas, Molé et Fleury nuancèrent le personnage vers plus de distinction. Une troisième veine se développa au début du XIXe siècle sous l’influence de Damas : Tartuffe agité d’un désir violent en était effrayant. Cette vision noire du personnage fut accentuée avec le romantisme. À partir du Tartuffe de Febvre en 1872, on s’affranchit peu à peu des jeux de scène.
Coquelin cadet aborda le rôle en revenant à la veine farcesque du XVIIIe siècle, faisant de Tartuffe un « bedeau grotesque ». Charles Grandval en 1926 choqua la critique en revenant à la tradition d’Augé. Mme Préville domina le XVIIIe siècle en interprétant une Elmire honnête, Louise Contat en fit une coquette et Mlle Mars lui redonna un visage réservé, pudique et embarrassé. Cécile Sorel, éternelle Célimène, resta elle aussi sur la réserve. Le critique du Gaulois en 1903, loue l’interprétation de Sorel qui s’empare du rôle :« Pour arriver à cette simplicité qui est la perfection de l’art, que de travail nécessaire, que d’études, que de répétitions, et les répétitions, hélas ! C’est le fruit rare à la Comédie-Française, quand il s’agit du répertoire classique ! » Pièce de répertoire, Le Tartuffe, comme tant d’autres, n’est pas réellement mise en scène mais fait l’objet de « réglage » par les comédiens de la troupe.
Le XVIIIe siècle fit d’Orgon un rôle à manteau, dominé par l’imposant Des Essarts. Les jeux de scène admis au début du XIX siècle accentuèrent le caractère comique du rôle.
Dans les années 1920, quantités de commentaires regrettent l’effritement de la tradition, que la Comédie-Française qui ne tienne plus son rang de conservatoire du patrimoine littéraire. C’est à cette époque que pour la première fois, un comédien va prendre la direction des répétitions, ébauchant une première mise en scène de ce grand classique le plus joué du répertoire.

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Et les metteurs en scène de la Maison

En 1926, Charles Granval revoit le placement des acteurs sur le plateau, troublant une partie du public dérangé dans ses habitudes. Les costumes sont de Charles Bétout, la scène est située dans un salon austère, décor qui sera refait en 1930 par Jean Carré. La pièce fera désormais régulièrement l’objet de nouvelles mises en scène par les sociétaires de la Maison, répondant parfois à des interprétations célèbres jouées ailleurs. Trois ans avant la mise en scène de Charles Granval, Paris a pu découvrir le Tartuffe auvergnat de Lucien Guitry au Vaudeville. Un nouveau décor de Jean-Michel Frank est conçu en 1937 avant la mise en scène, l’année suivante, de Fernand Ledoux. En 1942, une nouvelle mise en scène de Pierre Bertin inaugure un décor de Jean Denis Malclès. Fernand Ledoux redonne une mise en scène en 1951 tandis que Louis Jouvet monte la pièce à l’Athénée et joue le rôle titre en janséniste. En 1958, Louis Seigner monte la pièce tout en interprétant l’imposteur, puis c’est au tour de Jacques Charon en 1968 dont la rondeur s’accommode mieux d’Orgon face à Robert Hirsch qui signe décors et costumes tout en jouant Tartuffe. Si les comédiens ont abandonné le systématisme des jeux de scène transmis d’acteur à acteur, la pièce symbole du répertoire reste dans le giron de la troupe. Il est intéressant de noter qu’aucun des quatre metteurs en scène extérieurs appelés par Édouard Bourdet en 1936 (Jouvet, Copeau, Baty, Dullin) n’a monté ce grand classique à la Comédie-Française. Si Dom Juan est monté par Antoine Bourseiller en 1967, Tartuffe n’est monté par aucun metteur en scène extérieur à la troupe. Les nouvelles mises en scène n’ont pas d’incidence sur la fréquence des représentations : la pièce est jouée indifféremment et régulièrement chaque année depuis 1680 jusqu’en 1976. Le Tartuffe est la pièce de répertoire par excellence : une mise en scène maison dont le public est assuré de pouvoir voir quelques représentations chaque année. À partir de 1977, l’alternance fortement réduite ne permet plus d’offrir au public ces représentations du « classique » qu’il attendait chaque saison.

En 1980, la pièce est donnée dans deux mises en scène : par Jean-Paul Roussillon (avec Jean Luc Boutté-Tartuffe, Catherine Ferran-Elmire et Jean Le Poulain-Orgon), et pour la première fois par un metteur en scène extérieur, au sein du spectacle des Plaisirs de l’île enchantée proposé par Maurice Béjart qui orchestre dans un même décor la série du Prologue, du Mariage forcé, de La Princesse d’Élide et du Tartuffe (en trois actes avec Michel Aumont Orgon, Geneviève Casile-Elmire et Michel Duchaussoy-Tartuffe). Maurice Béjart agit plus en ordonnateur d’un spectacle total qu’en metteur en scène de ces différentes œuvres. La pièce n’est plus jouée jusqu’en 1997 et la mise en scène inachevée de Dominique Pitoiset, reprise à leur compte par les comédiens (Jean Dautremay-Orgon, Philippe Torreton-Tartuffe, Cécile Brune-Elmire). Marcel Bozonnet, comédien-administrateur, la monte en 2005 dans un décor de Daniel Jeanneteau, des costumes de Renato Bianchi, les lumières de Dominique Bruguière, avec Catherine Hiegel (Dorine), Gérard Giroudon (Madame Pernelle), Éric Génovèse (Tartuffe), Florence Viala (Elmire), Laurent Stocker (Valère), Bakary Sangaré (Orgon), Mathieu Genet (Damis), Audrey Bonnet (Mariane), Michel Vuillermoz (Monsieur Loyal), Daniel Znyk (Cléante), Catherine Corringer (Flipote), Anatoliy Pereverzev (Laurent).

Si l’on considère que Maurice Béjart était plus un ordonnateur qu’un véritable metteur en scène des Plaisirs de l’île enchantée, Galin Stoev est donc le premier metteur en scène totalement étranger à la troupe à diriger les Comédiens-Français dans Le Tartuffe. La pièce reste la plus souvent représentée au répertoire de la Comédie-Française avec à ce jour 3115 représentations.

Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française, juillet 2014.

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Photos de répétitions du Théâtre à la table « Le Tartuffe ou l'Imposteur » de Molière. Direction artistique Éric Ruf.

30 December 2020

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