Anne Kessler

Ex-traits de femmes d’après Molière, conception, animation graphique et interprétation Anne Kessler est en tournée en France depuis septembre 2023, prochainement à Chartres, Bastia puis à Bruz.

Anne Kessler interprète une dizaine de personnages féminins de l’œuvre de Molière dans un spectacle qu’elle a conçu lors des célébrations du 400e anniversaire de la naissance du dramaturge. Éric Ruf relevait la pertinence de cet hommage à Molière doublé d’une ode à la femme : « Si je puis me permettre d’anticiper un montage et un spectacle en cours d’élaboration, je sais qu’Anne est capable de tordre le cou à pas mal de préjugés et notamment à celui qui voudrait que Molière soit un auteur misogyne. Anne, faisant résonner les répliques et tirades des femmes qu’elle incarnera à cette occasion, dresse le portrait d’un auteur dont on oublie trop souvent qu’il fut aussi le fondateur d’une troupe en forme de petite république idéale où femmes et hommes étaient également considérés. Il n’est pas étonnant alors que ces mêmes femmes, pour lesquelles il écrivait, aient trouvé dans son œuvre des rôles d’une force inégalée. Anne les réunit aujourd’hui sur une seule scène pour lui rendre hommage. »

La sociétaire de la Comédie-Française réalise une véritable performance dans ce montage d’extraits, qu’elle débute avec la petite Louison du Malade imaginaire et clôt avec Madame Pernelle du Tartuffe. Embrassant dans un même élan ces multiples personnages de différentes générations, l’actrice déploie sa palette de jeu au sein d’un espace épuré, agrémenté d’une animation graphique qu’elle a réalisée. Passant d’âge en âge, voix et corps se muent comme dans la métamorphose d’une seule et même femme au gré du temps, au fil de la vie. Elle a privilégié des rôles qu’elle n’a jamais joués, ce choix lui permet de les appréhender ici dans la virginité de tout regard antérieur, dans une connivence immédiate avec le public qu’elle emmène une heure durant dans un condensé de vies, se dédoublant avec la gourmandise des enfants qui jouent à…

Elle présente ses intentions en amont de la création :
« Louison, Agnès, Armande, Henriette, Arsinoé, Célimène, Elvire, Madame Pernelle, Dorine… toutes si différentes mais qui viennent d’un seul et même cœur, celui de Molière. Dans ces Ex-traits de femmes, j’aimerais donner l’impression qu’elles ne sont qu’une seule et même personne à différents moments de sa vie, ou bien qu’elles sont sœurs tant elles ont cet air de famille qui les font se reconnaître entre elles et que perçoit le monde dans leurs expressions communes. Un seul et même texte aussi, en imaginant que la plume de Molière n’a pas quitté sa main, guidée par son inspiration, pour déposer ces portraits dans un seul et même tableau. Le dessin, animé, accompagnera le jeu, pour dire l’inconscient, l’indicible, pour faire apparaître les fantômes. Le trait, pour relier entre elles toutes ces personnes qui trahissent, mentent, questionnent, sondent, se livrent, en un mot, qui aiment. Une vie en une heure, une heure de vie. »

Elle confie par ailleurs son attachement à Molière et précise l’importance, pour elle, dans son parcours, d’un tel spectacle : « Molière est le premier auteur que j’ai rencontré. J’ai vu que le Petit Classique que j’avais entre les mains ne devenait vivant que lorsque, sur l’estrade de la classe, les élèves le jouaient. Et j’ai immédiatement senti que mon chemin serait le jeu. J’avais besoin de jouer du Molière comme un musicien, je pense, a besoin de jouer du Bach. Les femmes de Molière sont paradoxales, complexes, terriblement humaines. On a envie d’explorer leurs richesses. J’aimerais qu’on se dise : « Finalement, les plus beaux rôles des pièces de Molière sont les rôles féminins.

Les textes se répondent si bien de scène en scène, ils se font écho. C’est une sorte de ricochet. Je lance la pierre et huit fois elle rebondira sur l’eau. »