Le théâtre contemporain au répertoire de la Comédie-Française à partir du XXe siècle
Dès sa fondation en 1680, la Comédie-Française est définie comme un théâtre de création : tout auteur ou autrice, pour être joué dans Paris, doit s’adresser à la nouvelle troupe qui détient le monopole du répertoire français dans Paris et ses faubourgs. Deux fois par mois, en ses assemblées, la Comédie lit les pièces envoyées et donne réponse aux dramaturges. Une fois acceptée, la pièce est programmée rapidement.
Le processus se complexifie à la fin du XVIIIe siècle et les délais de lecture et de réponse s’allongent en conséquence. La programmation fait alterner pièces nouvelles et reprises du Répertoire. Si ces dernières remplissent la programmation, ce sont assurément les créations qui sont attendues du public et concentrent les efforts de la Troupe. La Révolution française, qui abolit les privilèges, dont celui de la Comédie-Française, occasionne la liberté des théâtres et des répertoires, faisant craindre la faillite à l’ancien théâtre royal. Mais un nouveau privilège édicté en 1804 offre alors à la Comédie-Française le monopole des tragédies et comédies en cinq actes. Néanmoins l’émergence d’autres répertoires en vogue comme le drame romantique, le mélodrame, bat à nouveau en brèche le privilège amoindri par la concurrence de nouveaux genres dramatiques qui sortent de ses prérogatives.
En 1864, la loi sur la liberté des théâtres abolit définitivement la spécialisation des salles sur certains répertoires, ouvrant ainsi à tous celui, traditionnel, de la Comédie-Française.
Ces questions législatives sur l’interprétation du répertoire contemporain sont de grande conséquence sur la perte d’influence de la Comédie-Française auprès des auteurs et autrices à succès. Bien que jouissant d’un prestige important auprès du public et des dramaturges, la Comédie-Française n’est plus le passage obligé de ceux-ci vers la renommée. À la fin du XIXe siècle, la Comédie-Française ne sait plus où se situer, elle cherche ses auteurs et autrices, elle sollicite Edmond Rostand, est éconduite, joue Victorien Sardou mais dans un répertoire moins flamboyant que celui monté par Sarah Bernhardt. La comédie moderne, la comédie bourgeoise et de mœurs sont pour elle de nouveaux domaines à explorer mais il n’existe pas d’équivalent dans la tragédie qui ne se réinvente que dans l’adaptation des auteurs de l’Antiquité.
Qu’en est-il au XXe siècle ? La Comédie-Française réduit peu à peu la part des auteurs et autrices contemporains dans son Répertoire, en particulier après la Seconde Guerre mondiale. Le basculement le plus flagrant est la réduction drastique des créations1 au répertoire de la Comédie-Française après guerre. La plupart du temps, quand elle interprète du contemporain, la Comédie-Française reprend des pièces créées ailleurs et qui ont obtenu un certain succès. Elle ne joue donc plus son rôle de découvreuse et de créatrice de textes : les créations représentent 35% des pièces nouvellement jouées au Répertoire dans la décennie 1950, elles ne sont plus que 19% dans les années 1960, 10 % dans les années 1970, enfin elles sont réduites à 3 % dans la décennie 1980.
Parallèlement, si les auteurs récents et contemporains sont encore joués dans les années 1960 et 1970, pour des pièces déjà créées sur d’autres scènes, ce n’est plus du tout le cas dans les années 1980. Ceci est la conséquence dans cette décennie de l’absence d’une seconde salle alors que l’après-guerre avait vu l’Odéon attribué à la Comédie-Française de 1946 à 1959, puis dans la décennie 1970 quand l’administrateur Pierre Dux était également chargé de la programmation de l’Odéon. Il est en effet plus simple de créer de nouvelles pièces et de jouer le répertoire contemporain en dehors de la Salle Richelieu, notamment en raison du conformisme du public d'alors. Henri de Montherlant est ainsi l’auteur phare des années 1950-1970 alors que d’autres auteurs créent le scandale : La Fourmi dans le corps de Jacques Audiberti en 1962, La Soif et la faim de Ionesco en 1966. Il faudra attendre Félicité de Jean Audureau en 1983 pour voir une nouvelle création de pièce contemporaine Salle Richelieu, qui se solde là encore par un scandale. Échaudée, la Comédie-Française n'y programme quasiment pas de répertoire contemporain jusqu’à la fin du siècle.
Ses autres salles permettent de jouer un répertoire plus récent et parfois de création. C’est la fonction notamment du Petit Odéon, plus encore que la grande salle de l’Odéon, et plus tard du Théâtre du Vieux-Colombier ou du Studio-Théâtre. La Troupe interprète en effet le répertoire d’auteurs et d’autrices vivants, en création, avec une nouvelle intensité à partir de l’ouverture du Théâtre du Vieux-Colombier en 1993 avec deux pièces de Nathalie Sarraute et du Studio-Théâtre en 1996 avec La Demoiselle de la poste d’Ewa Pokas.
Une nouvelle évolution se fait jour à l’orée du XXIe siècle : le théâtre contemporain et de création fait son retour à la Salle Richelieu. Cela peut s’expliquer par le lent phénomène de sacralisation du Répertoire : pour un auteur ou une autrice, être joué à la Salle Richelieu, entrer au Répertoire, constitue l’apogée d’une carrière. Le Comité de lecture se trouve donc investi d’une mission renouvelée et qui retrouve un sens. Les textes contemporains font ainsi leur retour à la Salle Richelieu avec les entrées au Répertoire de Jean-Claude Grumberg, Harold Pinter, Marguerite Duras, Marie NDiaye, Valère Novarina, Michel Vinaver, Dario Fo, Saadallah Wannous, Naomi Wallace, Dea Loher, Edward Bond, Lars Norén, Tony Kushner, des auteurs et autrices auxquels viennent s’ajouter de nouvelles formes d’écritures théâtrales, à partir de scenarii de films de cinéastes majeurs, Jean Renoir ou Ingmar Bergman.
Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française
Visuel : Le Silence, 1993, VC, Giroudon, Dautrey, Seigner, Chevallier, Dautun, Bergé, répétitions - photo Despatin et Gobeli
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