À la Recherche du temps perdu, centième !

100 jours avec Proust : plongeons dans les sous-sols de la place Colette pour suivre le déroulé d’une soirée.

18h - J’arrive salle Seigner, dans les sous-sols de Richelieu. Ce salon de musique abrite notre studio de fortune devenu au fil des mois l’un des bastions de l’activité de notre théâtre.

Ouverture de la salle, allumage de tous les appareils, vérification de la connexion Internet, nettoyage de la carafe et du verre d’eau.

18h10 - Le comédien arrive. La première entrée est une rencontre, les suivantes sont des retrouvailles. Le trac est également présent, une heure de lecture en direct, sans filet, est un exercice délicat, la langue proustienne y ajoute une difficulté.

Ajustement des réglages de la caméra, réglage du son, test du direct.

La technique est prête, c’est au comédien de terminer sa préparation. Relecture, échauffements vocaux, ou au contraire conversation sur des sujets très lointains de Proust. Chaque comédien a ses préférences pour atténuer le stress, se préparer au mieux et oublier notre monde confiné en se plongeant dans l’univers impitoyable de la bourgeoisie sournoise de Proust.

18h50 - L’heure fatidique approche, ces dernières minutes durent et s’étendent. C’est le moment des dernières vérifications.

Couper les téléphones, éteindre les lumières.

18h58 - Les premières lignes de dialogue avant chaque lecture : « Merde », « Je prends ».

19h -
Lancement du direct sur Facebook

Une communauté attachante s’est créée au fil des mois : on se salue, on partage le numéro de la page, et on se délecte de l’heure de lecture à venir.
Chaque soir, l’équivalent d’une salle telle que le Vieux-Colombier se retrouve à 19h.

19h02 -
8 … 7 … 6 … 5 … 4 … … … … Longtemps, je me suis couché de bonne heure …

La lecture débute. Chaque comédien de la Troupe ajoute sa couleur à cette œuvre collective. Douceur, poésie, dialogues théâtralisés, ironie, emportement … Chaque voix nous fait découvrir La Recherche et Proust sous un nouvel angle.

19h15 - Quand il s’agit de la première lecture du comédien, il cherche sa voix dans celle de Proust. Et de la même manière qu’un orchestre s’accorde et trouve son « la », le comédien et le texte s’harmonisent, et la magie opère après quelques minutes de lecture.

19h30 - De mon côté du paravent, je suis la lecture sur la brochure du jour, et sur mon écran modère les commentaires. Le plus souvent, il s’agit de répondre aux questions sur la Comédie-Française, mais il arrive de devoir supprimer des remarques déplacées ou des interventions de marabouts-spammeurs qui perturbent la conversation autour de la lecture.

19h57 - La lecture s’achève. Soupir et relâchement du comédien après ce marathon !
Certains sont heureux de regarder les commentaires et applaudissements numériques, de reconnaître des noms et de retrouver un lien avec le public, d’autres au contraire, timides, préfèrent ne pas les lire.

Fin du direct, éteindre les machines, recharger les batteries.

20h15 - Par la même porte qu’il a franchi empli de trac, le comédien sort, soulagé, heureux, impatient de revenir.

20h30 -
Ranger le matériel, éteindre les lumières, fermer la salle.

Après cent lectures, les manipulations deviennent des automatismes, mais grâce au changement de lecteur quotidien, la routine ne s’est pas installée salle Seigner.

Décoder Proust

L’heure qui précède l’enregistrement est l’occasion de parler de la préparation de cette lecture. Décortiquer les phrases, identifier les sujets, trouver le sens entre les parenthèses et les tirets, repérer les temps de respiration, situer l’extrait dans l’œuvre : tout ce travail se fait individuellement, quelques jours seulement avant la lecture et chaque comédien a des techniques différentes.
Ce travail s’illustre sur les brochures.

proust-visuel

« Être ensemble et être soi-même »

La devise de la Troupe pourrait être détournée pour ces lectures : seul lors de la préparation, seul lors de la lecture, le comédien se prête à un exercice individuel. Et ensemble dans la globalité de la lecture, chaque jour, les membres de la Troupe se relaient pour compléter cette œuvre de façon collective. Ils discutent de leur expérience, de leurs astuces de préparation, s’encouragent à se lancer quand ils n’ont pas encore osé. Ces lectures en solitaire sont également un accomplissement de groupe.

Et disons-le : cette œuvre est tout de même plus abordable quand elle est partagée par cinquante-sept lecteurs !

Une heure bienfaisante

Pour nombre de nos auditeurs, ce rendez-vous quotidien est devenu un réel soutien, une aide pour traverser cette période pleine d’incertitudes. Que ce soit grâce à l’évasion offerte par le texte ou grâce au lien créé entre les membres d’une nouvelle communauté.

Ces bienfaits ont aussi lieu de l’autre côté de l’écran : pour les comédiens hyperactifs qui travaillent depuis des mois au ralenti, c’est un défi à relever; condamnés à jouer sans public, c’est pour eux l’occasion de maintenir ou même de créer un lien fort avec les auditeurs.
Et pour moi, chaque fois que je presse « LIVE », la mission de service public prend tout son sens.

Rebecca Douani
Votre fidèle opératrice depuis la 1re lecture

Article publié le 04 mai 2021
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En raison du renforcement des mesures de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.

Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.

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