Bergman, homme de théâtre

« Fanny et Alexandre » d'Ingmar Bergman. Mise en scène Julie Deliquet. Du 9 février au 16 juin 2019, Salle Richelieu.

L'auteur

Mon métier, c'est le théâtre : je suis d'abord un metteur en scène.

Ingmar Bergman (1918-2007)

Fils d'un pasteur luthérien qui lui prodigue une éducation rigoureuse, Ingmar Bergman éprouve très tôt une fascination pour le monde du spectacle et crée dès son plus jeune âge des numéros de marionnettes avec sa sœur. Chaque dimanche après le sermon, il se rend dans les salles de cinéma de Stockholm, où il découvre les films muets de son compatriote Victor Sjöstrom, mais aussi les longs-métrages de Julien Duvivier et de Marcel Carné. C'est là qu'il découvre sa double vocation pour le cinéma et le théâtre, qui s'entrecroiseront tout au long de sa carrière et partageront parfois les mêmes acteurs et les mêmes scènes.

Ingmar Bergman étudie l'histoire et la littérature à l'université, mais se consacre dès 1938 et jusqu'en 2002 à sa première passion, le théâtre. Metteur en scène remarqué de Strindberg, Ibsen ou encore Shakespeare, il rejoint en 1942 l'équipe de scénaristes de la Svensk Filmindustri. Au moment où il est nommé directeur artistique du théâtre municipal d'Hesinborg, en 1944, Bergman voit son premier script, Tourments, porté à l'écran par Alf Sjoberg. Il s'essaye l'année suivante à la réalisation et adapte la pièce danoise Crise, d'après Leck Fisher.

En 1952, il est nommé directeur artistique du Théâtre municipal de Malmö. Son travail théâtral se double d'une intense activité cinématographique : Bergman accède à la reconnaissance internationale au milieu des années 1950 avec le marivaudage Sourires d'une nuit d'été, sorti en 1955, puis Le Septième Sceau de 1957, conte médiéval et réflexion sur la mort. Les deux films sont primés à Cannes et témoignent de la diversité de l'inspiration du cinéaste suédois. Avec des films mêlant réalisme et onirisme comme Les Fraises sauvages, Ours d'or à Berlin en 1958, et dans lesquels il règle ses comptes avec la religion, notamment Les Communiants, Bergman s'impose, aux côtés d'Antonioni en Italie ou de Resnais en France, comme l'une des figures majeures du cinéma moderne. A cet égard, Persona (1966), œuvre déroutante sur le thème du double, est l'un de ses longs-métrages les plus commentés. Il rencontre sur le tournage du film sa future compagne, Liv Ullmann, qui apparaît dans quelques-uns de ses films les plus connus tels que Cris et chuchotements ou Scènes de la vie conjugale (1974), qui se révélera être l'un des plus grands succès publics du cinéaste. Refusant de se cantonner au subtil cinéma psychologique qui a fait sa réputation (Sonate d'automne, 1978), il continue d'emprunter des chemins de traverse et filme par exemple en 1979 l'opéra de Mozart La Flûte enchantée. C'est avec Fanny et Alexandre, adaptation de son propre roman publié en 1979, que le maître suédois fait ses adieux au cinéma en 1982. Pour Bergman, l'écriture est un exutoire ; c'est l'occasion pour lui de se replonger dans ses souvenirs d'enfance, un thème qu'il n'a jamais abordé auparavant dans son œuvre cinématographique.

Loin de mettre un terme à ses activités, il continue de tourner pour le petit écran (Après la répétition en 1983, Saraband en 2003) et d'écrire des scénarios (Les Meilleures Intentions de Bille August, Infidèle de Liv Ullmann). En 1997, le Festival de Cannes lui décerne, à l'occasion des cinquante ans de la manifestation, la Palme des Palmes, une récompense que le secret Bergman ne viendra pas chercher, lui qui déclarait à la revue Positif en 2001 : « Tout ce qui m'a jamais intéressé, c'est d'accomplir un vrai bon travail d'artisan. »
En 2006, Anne Kessler avait mis en scène des extraits de son théâtre, aux côtés de ceux de Strindberg et d'Ibsen, dans Grief[s] au Studio-Théâtre. Il entre cette saison au répertoire de la Comédie-Française grâce à la mise en scène de Fanny et Alexandre par Julie Deliquet.

L'homme de théâtre

Le théâtre est mon métier, le cinéma est ma vocation.

Ingmar Bergman

Bergman reconnaît au théâtre une fonction première dans son travail. Ce parcours double prend sa source dès son plus jeune âge, dans le théâtre de marionnette qu’il actionne, enfant, tel le petit garçon de Fanny et Alexandre, ou encore dans la visite d’un studio de cinéma lorsqu’il est adolescent. Activités théâtrales et cinématographiques sont chez lui imbriquées, plus encore que chez Visconti : même troupe, mêmes effets de citations d’un art à l’autre. De 1938 à 2002, il réalise une quarantaine de films et monte plus d’une centaine de pièces. Tour à tour directeur artistique du Théâtre municipal d’Helsingborg, directeur du Théâtre royal dramatique de Stockholm (le Dramaten), œuvrant aussi à Göteborg, Malmö, Munich, ses mises en scène sont jouées en tournées dans le monde entier.
Auteur, il monte ses propres textes, mais aborde aussi un vaste répertoire en tant que metteur en scène. Il affiche sa prédilection pour Strindberg, son compatriote mais son répertoire est éclectique et parcourt un large empan de la littérature dramatique mondiale : Ibsen, Weiss, Pirandello, O’Neill, Ostrovski, Büchner, Gombrowicz, Tabori, Strauss, Mishima, Camus, Anouilh, Goethe, Williams, Garcίa Lorca, Tchekhov, Shakespeare, Brecht… et Molière, qu’il admire par dessus tout.

Sa vision de la scène est fortement influencée par sa pratique du cadrage cinématographique : il regroupe les acteurs, leur demande de s’adresser au public, comme ils pourraient le faire devant la caméra, il sculpte les corps au moyen de lumières qui focalisent l’action.

Iconoclaste, il mêle les époques dans un même spectacle, tout en revenant aux fondamentaux du plateau « historique » : évocation de l’architecture du théâtre du Globe pour Shakespeare, utilisation des lustres et des quinquets de l’époque classique pour Molière, travestissement de Mme Pernelle dans son Tartuffe, fidèle à la création. Habitué au collage/montage de la réalisation cinématographique, il n’hésite pas à manipuler le texte pour rendre son interprétation plus percutante. Ainsi déplaça-t-il, par exemple, le célèbre monologue d’Hamlet « to be or not to be », au sein de la scène des comédiens.
Au fil de sa carrière, il va vers une épure esthétique toujours plus intense, réduit l’aire de jeu, résume le plateau à un simple tréteau, place les acteurs à vue entre leurs scènes pour maintenir un lien et une tension avec le spectateur, en s’inspirant du « foyer des travestissements », détail de l’architecture de la Salle Richelieu, qui, à proximité de la scène de la Comédie-Française, permet aux comédiens de se changer ou de se reposer sans perdre le lien avec le plateau.

Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française, décembre 2018.

Article publié le 05 février 2019
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