Entretien avec Sébastien Trouvé, créateur son

« Angels in America » de Tony Kushner. Texte français Pierre Laville. Version scénique et mise en scène Arnaud Desplechin. Du 18 janvier au 27 mars 2020, Salle Richelieu.

Sébastien Trouvé crée l’illustration sonore de la pièce Angels in America de Tony Kushner, mise en scène par Arnaud Desplechin qui se joue actuellement Salle Richelieu.

Le théâtre a révolutionné ma façon de voir le monde

Sébastien Trouvé

Depuis une dizaine d’années il collabore avec des metteurs en scène comme Jean Bellorini - avec qui il sera à la Cour d’Honneur cet été au Festival d’Avignon -, Macha Makeiëff ou plus récemment Frédéric Bélier-Garcia.
Pour cette création, c’est la première fois qu’il collabore avec la Comédie-Française et Arnaud Desplechin.

« Les Angels de Kushner sont deux pièces incroyablement profuses, et leur condensation les a transformées en un défi de récit d’autant plus redoutable.
Avec Rudy Saboughi, nous nous étions dit dès le départ du projet : de ce véritable monde que Kushner a mis dans ces deux pièces il nous faudra tout représenter! De L'Antarctique à Brooklyn!
C’est sur cette base que j’ai rencontré Sébastien Trouvé, dont j’admirais tant le travail chez Bélier-Garcia. Par petites touches, fantastiques ou réalistes, des battements d’ailes ou des rumeurs urbaines, Sébastien a su suggérer le merveilleux des anges, les apparitions fantastiques ou le New York réaliste de la fin des années 80. Les dialogues sont parfois d’une grande puissance qui ne nécessite aucun effet sonore, pour laisser toute la place à l’art de l’acteur. Parfois, les dialogues sont si furtifs, rapides, légers que la déclamation les aurait éteints.
Aussi, en grande complicité avec les acteurs, Sébastien a équipé certains d’entre eux de micros pour soutenir les voix et préserver le miracle de la fragilité nécessaire de leurs partitions.
C’est ce dialogue si intime et bienveillant avec les acteurs, et la créativité si musicale de Sébastien qui m’auront nourri durant toute l’élaboration de ce spectacle. »
Arnaud Desplechin

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Le travail avec Arnaud Desplechin

Arnaud est un cinéaste qui compte, je suis très sensible à son travail cinématographique. J’ai été particulièrement influencé artistiquement par certains de ses films. C’était donc un rêve de travailler avec lui, ici, dans cet endroit magique où l’énergie est toute particulière.

Dès notre première rencontre nous avons parlé très concrètement de ses envies. Arnaud prépare énormément ses créations, il avait déjà plusieurs musiques en tête : La Prière de Ernst Bloch qui sert l’ouverture du spectacle, un morceau de Bach pour l’apparition des anges et une BO, sublime, celle du film Jackie de Mica Levi.

J’ai eu l’impression que notre collaboration était simple et efficace, les choses venaient naturellement. Dans la rencontre qui se fait avec chaque metteur en scène, j’aime ce moment de discussion, de recherche, de réflexion, de découverte qui permet d’emprunter le chemin de ce qui le touche, c’est passionnant.

Je n’ai pas eu l’impression de faire d’effort avec Arnaud, parce qu’il me semble que sa sensibilité est proche de la mienne. Ce projet a été pour moi un terrain de jeu où j’ai pu pleinement m’exprimer sans aucune frustration, tout en proposant des choses qui me tiennent vraiment à cœur.

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Il y a trois phases dans la création sonore de ce spectacle

  • La partition musicale

En partant de la BO de Mica Levi que je connaissais bien, j’ai eu plaisir à reprendre des morceaux, à trouver comment les arranger, les agencer pour les fondre au mieux au jeu sur le plateau.

La musique n’est jamais la même quand on l’écoute chez soi, au casque ou dans une salle de théâtre, cette BO de Mica Levi prend une dimension assez folle dans la Salle Richelieu.

Il y a une quarantaine de changements de décor dans ce spectacle, il y a donc de nombreux moments où il a fallu produire des petites apparitions sonores et réfléchir à la cohérence des transitions, respirations, à la manière dont tout se déployait.

C’est pour cela que notre présence en répétitions est indispensable, j’ai l’habitude d’être toujours très présent et de réagir à ce qui se passe sur le plateau. La musique doit vivre au sein du spectacle. Il est important de créer au fur et à mesure des scènes afin de laisser libre cours à nos sensations et à nos intuitions. C’était vraiment un aller-retour permanent avec Arnaud au fil des répétitions.

Les apparitions des anges dans la pièce et les passages plus oniriques ont permis une réécriture plus libre de la musique, tout en restant léger, subtil. Ce sont des passages que j’aime beaucoup et c’est une matière plus spécifique et propre à la mise en scène d’Arnaud.

Extrait :

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  • Les effets sonores

Il s’agit d’éléments sonores qui permettent de faire croire au réel, même si c’est très difficile au théâtre de faire croire à la réalité des choses. Ce rapport là j’ai mis des années à trouver comment le raconter et il dépend de la sensibilité du metteur en scène. Avec Arnaud, nous avons décidé d’exposer le son au début de chaque scène quelques secondes et ensuite de le faire disparaître. Des sons qui restent très légers mais qui provoquent l’imaginaire du spectateur tout en restant très proche du texte, de l’interprétation des comédiens. J’ai l’impression que c’est comme cela que l’on y croit, le jeu de la Troupe est si juste que le son ne doit être présent que par touches. Il est là pour servir le jeu sans le gêner.
Jusqu’à la première du spectacle j’ai plaisir à ajuster, c’est une fois que l’on est au cœur du sujet et que l’on est au cœur de l’interprétation que je trouve la justesse de ces sons.

  • Les micros

Nous les utilisons pour faire entendre les comédiens, l’idée c’était que l’on ne soit pas dans du théâtre où la sonorisation est franchement assumée, il s’agit là d’appuyer de manière subtile les mots de temps en temps quand l’on entre dans un registre de jeu qui le nécessite.
On utilise les micros de cette façon afin de projeter le son pour les derniers rangs sans que les premiers en soient gênés. Ce qui prime, c’est d’abord l’énergie des comédiens qui part du plateau. L’équipement des comédiens est donc très discret, presque invisible.
Ce travail a été réalisé en étroite collaboration avec trois régisseurs de la Comédie-Française : Pierre Mancel, Guillaume Monard et Zoé Perron.

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Ce que j’aime au théâtre, c’est avoir le sentiment d’être au théâtre.

La différence fondamentale dans l’approche du son entre le cinéma et le théâtre, c’est que quand on est au théâtre les comédiens parlent sur le plateau et la musique sort d’enceintes. Alors qu’au cinéma, la musique et le son des comédiens sont liés dans un même dispositif. Lorsque l’on met de la musique sur un plateau et que le comédien est en train de parler, on peut être tiraillé par cette ambiance sonore qui n’est pas naturelle. Notre travail est de trouver une cohérence entre les mots et les sons qui émanent du plateau.
Et c’est captivant, parce qu’on est au service de la manière dont on entend le texte et dont on entre dans le jeu des comédiens.

L’autre enjeu c’est qu’au théâtre la musique n’est jamais parfaitement collée au jeu, puisque l’interprétation peut être mouvante même d’une fraction de seconde entre chaque représentation. Si elle est bien écrite elle racontera toujours quelque chose.
La BO de Jackie est fabuleuse aussi pour ça, car elle s’adapte et reste tout aussi forte et puissante.

La rencontre avec le public reste un moment particulier. Je lâche le spectacle dès la première mais je garderai des liens avec l’équipe pour savoir si le spectacle vit bien.
J’ai profondément envie de continuer à travailler pour la création théâtrale parce que dans chaque création tout le processus est passionnant. Le son reste mon point de départ, dans les divers projets que je mène au théâtre ou ailleurs comme lorsque j’ai tourné mon premier court métrage, mon approche reste avant tout sonore, c’est ma ligne de conduite.

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Sébastien Trouvé
Portrait © Agnès Pontier

Article publié le 05 février 2020
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Angels in America

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