Lars Norén

La Comédie-Française apprend avec une grande tristesse le décès de Lars Norén, dramaturge suédois dont les spectacles puissants ont marqué notre théâtre et la Troupe pour laquelle il avait notamment écrit et mis en scène les spectacles « Pur » en 2009 et « Poussière » en 2018. Retrouvez l'hommage d'Éric Ruf.

Lars Norén, peut-être le plus grand dramaturge et poète de notre époque, est décédé hier après avoir contracté la Covid au mois de décembre. Après avoir lutté pendant des semaines pied à pied avec ce virus, la fragilité de son état depuis de nombreuses années a dû finalement céder le pas.

Lars repoussait depuis quelques saisons le projet que nous fomentions pour le Théâtre du Vieux-Colombier d'une pièce qu'il souhaitait écrire autour de la philosophe Simone Weil dont l’œuvre l’accompagnait depuis l’adolescence, l'agrémentant des figures d'autres écrivains qui furent ses compagnons de route : Bataille et de Beauvoir. Cette pièce devait s'intituler À vif, et je reconnaissais dans ce titre la malice et l'humour qui le caractérisaient, comme je goûtais la traduction du titre de sa dernière pièce écrite pour la Comédie-Française : Poussière, faisant ainsi d'un défaut toujours supposé de notre Maison, une qualité de temps cumulé et un spectacle extraordinaire. Il disait avoir attendu d'être vieux pour écrire sur la vieillesse. Ce Roi Lear collectif, comme j'aimais l'appeler, est pour moi une des grandes émotions de ces dernières saisons. Les spectacles qui nous mettent à ce point face au mystère, au grand, celui de la vie, la nôtre, sont rares et rejoignent par là une fonction essentielle et fondatrice du théâtre que nos critères de réussite ignorent. Lars Norén disait :

Il n'y a rien de plus beau qu'un acteur dans un espace vide. Et c'est ce que je cherche : un être humain dans une situation essentielle

Lars Norén
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  • Hervé Pierre, Christian Gonon, Dominique Blanc, Anne Kessler dans Poussière © Brigitte Enguérand

Je pense à la peine de celles et ceux d'entre nous qui ont eu la chance de travailler à ses côtés et qui n'ont pas alors été face à un metteur en scène, qui n'ont pas été acteurs, mais ont été en prise avec une forme plus haute et profonde de travail et de regard. Une forme aiguë d'humanité sans doute. J'avais demandé à Lars, après ses rencontres avec les comédiennes et les comédiens de la troupe, quels étaient ses critères pour établir sa distribution. Il m'avait répondu avec un doux sourire, comme s'étonnant de ma question :

Je choisis ceux qui me reviennent dans la nuit.

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J'ai adoré cette réponse et sans en saisir toute la dimension sans doute. J'ai cru comprendre qu'il laissait à l'ordre d'une connivence profonde, sous-jacente, inconsciente, le soin de ces choix. C'est à cette qualité obscure, loin de nos critères de carrière et de réussite, qu'il s'abandonnait. « Vous savez, Éric, c'est une comédie » m’avait-il confié en me remettant la première mouture du texte. À la lecture, j’en doutais au regard de la dureté et du dépouillement des répliques. Puis, à la représentation, l'objectivité du texte n'avait pas d'autre échappatoire que le rire. Une impression d'amour aussi, submersive. Une très vieille dame munie de béquilles s'était approchée de moi à la sortie du spectacle pour me faire ce commentaire laconique : « Tout est vrai ».

Lars Norén avait été monté une première fois au Théâtre du Vieux-Colombier en 2005 à l'invitation de Marcel Bozonnet dans une mise en scène de Joël Jouanneau : Embrasser les ombres. Puis, en 2009, Muriel Mayette-Holtz lui proposa de mettre en scène une de ses pièces, Pur, toujours au Vieux-Colombier. Il entrera au répertoire de notre théâtre en 2018 avec Poussière Salle Richelieu.

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  • Catherine Sauval, Christian Cloarec, Françoise Gillard et Alexandre Pavloff dans Pur © Brigitte Enguérand

Lars Norén était né à Stockholm en 1944. Il fut d'abord poète, puis romancier, puis auteur de théâtre, puis metteur en scène et directeur de théâtre. Il a écrit plus de quatre-vingts pièces et était l'auteur vivant le plus joué au monde. Son œuvre est immense et d'une prolixité rare.

Toutes nos pensées vont à sa famille, ses trois filles, ses acteurs dans le monde entier et dans notre Maison, à Amélie Wendling qui était sa complice française en traduction et au plateau. Voici ce que Lars lui disait en 2017 :

Je ne sais pas si j'ai peur de la mort. Non, je n'ai pas peur. J'ai vraiment ce rêve : je suis assis dehors sous les arbres, très vieux, et je laisse mon esprit s'échapper. Le soleil, le jardin, personne n'a plus besoin de moi, je peux juste me laisser m'en aller, loin.

Lars Norén

Éric Ruf

Article publié le 01 février 2021
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