L'Avare par Lilo Baur

« L'Avare » de Molière Mise en scène Lilo Baur Du 1er avril au 24 juillet 2022, Salle Richelieu.

Chaque metteuse ou metteur en scène procède différemment face à une œuvre. Mais la constante, toujours, est la recherche initiale d’une porte d’entrée pour y accéder. Intuition, image, espace, correspondance liée à la première lecture, peu importe : cette clé subjective devient le fil d’Ariane visible ou totalement enfoui de la construction d’un spectacle.

Lilo Baur, elle, a besoin d’une première image. Je lui ai demandé de relire L’Avare car son premier réflexe était de se sentir illégitime et empesée des nombreuses et magnifiques versions que nous connaissons. Lilo m’a dit oui dès le lendemain tant elle avait ri en le reparcourant. Ce rire, irrépressible, avait effacé toutes ses craintes et elle m’a confié sa clé, son image, son fil d’Ariane, son entrée : un gazon irréprochable formant, en pente très douce – celle de la Salle Richelieu a cette douceur –, la rive d’un lac immense.

On soupçonne un léger tumulus, à peine perceptible au désordre de quelques brins d’herbe replacés à la va-vite sous une élégante chaise longue dans laquelle niche un banquier. Voilà notre Harpagon genevois au bord du Léman natal de Lilo. Voilà un monde élégant et rapace, d’après-guerre, les actionnaires helvètes devenus les lointains usuriers de Molière. Voilà la cassette enfouie, prenant la forme de ces longues boîtes métalliques effilées qu’on retire avec clés et gants d’un mur d’autres boîtes toutes semblables renfermant toute l’avarice du monde. Voilà surtout l’imagination de Lilo excitée par la présence du lac et celle de Laurent Stocker dans le rôle de celui qui préfère manger l’avoine de ses chevaux plutôt que de dépenser son pécule.

Nous aimons Lilo Baur pour son talent, sa joie constante, son humour suisse si particulier et pour son théâtre physique hérité de ses années londoniennes. Nous ne pouvions fêter cet anniversaire sans la convier.

ÉRIC RUF


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  • Maquette de scénographie © Bruno de Lavenère.

L’Avare est ma première mise en scène d’une œuvre de Molière. Je l’avais lu à l’école, bien sûr, j’en ai vu des mises en scène, mais en relisant la pièce pour répondre à l’invitation d’Éric Ruf, j’ai été frappée par la modernité, voire l’actualité de ce « classique ». Le rapport maladif à l’argent, l’avarice du personnage dans ses propres sentiments ou émotions, la toxicité de certaines relations père/fils, rien de cela n’a vraiment changé. Ce que j’ai éprouvé, cependant, c’est une certaine angoisse à l’idée de m’attaquer à un tel « monument ».

Chez Molière, la mécanique du rire est d’abord contenue dans le texte lui-même. Mais on sait qu’il était aussi un grand comédien, et c’est pourquoi au texte s’ajoute le jeu physique des acteurs. L’improvisation occupe une place importante dans mes processus de création ; de ce point de vue, c’est important de se sentir comprise et suivie par les comédiennes et les comédiens de la Troupe. Plus ils sont sincères, plus ils peuvent faire naître le comique, y compris dans les moments plus sombres d’une pièce comme L’Avare – par exemple, la scène où Harpagon ayant vu son fils Cléante baiser la main de Mariane, convoitée par les deux hommes, lui tire les vers du nez pour mieux l’humilier. C’est un moment d’une cruauté absolue, révélatrice du côté maladif de l’avarice d’Harpagon, un être parfaitement incapable d’amour.

L’action se déroule en été. La maison se trouve au bord d’un lac avec un terrain de golf à proximité. Harpagon est un banquier suisse d’après la Seconde Guerre mondiale, obsédé par sa cassette cachée dans le jardin. La cassette de la pièce résonne dans ce contexte, puisque le mot s’emploie aujourd’hui encore par rapport à certains coffres forts. En Suisse, seuls des gens très riches en possèdent tout comme les chevaux dont il est assez souvent question dans L’Avare. Harpagon est envahi de toute sorte de TOQ dès qu’on prononce devant lui le mot « argent. » Demander de l’argent à Harpagon lui est parfaitement insupportable, lui qui ne connaît aucune mesure, aucune dignité, aucune pitié, et il en devient parfaitement malsain.

Propos extraits de l’entretien de LILO BAUR avec Laurent Muhleisen

Article publié le 08 mars 2022
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