Anéantis

Dramaturges anglais à la Comédie-Française

Traduction, adaptation, adaptation de traduction

Parmi les dramaturges anglais interprétés par les Comédiens-Français, Shakespeare se taille la part du lion. Son exemple est particulièrement intéressant pour mettre en lumière la façon dont les pièces étrangères nous parviennent, par le biais de traductions fidèles ou d’adaptations. Ces dernières dominent et sont majoritairement très libres jusque dans les années 1920. En 1932 Hamlet est alors présenté, pour la première fois, dans une version fidèle au texte de Shakespeare traduite par Eugène Morand et Marcel Schwob. Suivront celles de Coriolan par René-Louis Piachaud (1933), de La Nuit des rois traduite par Théodore Lascaris (1940), et une nouvelle présentation de Hamlet par Guy de Pourtalès (1942).
À partir de 1945, il est convenu de rester fidèle au texte de Shakespeare tout en se permettant des adaptations à la marge. Dans ce cas le programme précise si le texte est simplement traduit ou adapté. Les années 1950-1960 préfèrent les adaptations réalisées par des auteurs de langue française. Pour les metteurs en scène de cette époque, faire appel à un auteur est un gage de qualité littéraire, que l’adaptation soit une commande ou un texte préexistant. Jean-Louis Barrault choisit ainsi André Gide pour Antoine et Cléopâtre (1945), Jacques Charon se tourne vers Jules Supervielle pour Comme il vous plaira (1951), deux adaptations qui avaient été publiées quelques années auparavant. En revanche, Jacques Fabbri, pour son décapant Songe d’une nuit d’été, interprété sur un rythme jazzy en 1965, passe spécialement commande d’une adaptation à Charles Charras, un auteur et comédien de sa propre troupe.

Dans les années 1970, pour la première fois un metteur en scène britannique, Terry Hands, met en scène Shakespeare au Français, gage de fidélité au dramaturge, il fait appel alors à l’auteur Jean-Louis Curtis pour la traduction, (Richard III en 1972 et Périclès prince de Tyr en 1974).
Ce n’est qu’à partir des années 1980, que l’on fait appel plus régulièrement à des traducteurs professionnels, spécialistes de Shakespeare, ou qui, du moins, traduisent plusieurs de ses œuvres tels Jean-Michel Desprats (Macbeth en 1985, Le Marchand de Venise en 1987 puis 2001, Les Joyeuses Commères de Windsor en 2009), Yves Bonnefoy (Hamlet en 1994, puis en 2013) ou André Markowicz (Troïlus et Cressida en 2013).
On peut noter que les nombreuses traductions de François-Victor Hugo ne sont, elles, utilisées que très tardivement. Publiées dans les années 1860, elles se fondent pourtant directement sur le texte shakespearien – et non sur les premières traductions de Letourneur – elles sont documentées, scrupuleuses, mais sans doute arrivent-elles bien trop tôt pour le théâtre. Il faut attendre presqu’un siècle pour les voir jouées sur scène… et encore plus tard à la Comédie-Française, avec La Mégère apprivoisée d’Oskaras Korsunovas en 2007, Le Songe d’une nuit d’été de Muriel Mayette-Holtz en 2014, Roméo et Juliette d’Éric Ruf en 2015, Jules César de Rodolphe Dana en 2019. Dans ces cas, ce qui intéresse les metteurs en scène est moins la traduction en elle-même que les possibilités qu’elle réserve. Vue comme un mot à mot, elle permet plus de libertés souhaitées pour effectuer un travail de plateau.

Enfin, la traduction peut témoigner de l’étroite collaboration et de la complicité entre un metteur en scène et un auteur-traducteur, comme en témoigne la commande faite à Olivier Cadiot en 2019 pour La Nuit des rois ou Tout ce que vous voudrez, mis en scène par Thomas Ostermeier qui travaille prioritairement pour ces spectacles avec cet auteur-traducteur.

Place des auteurs anglais à la Comédie-Française

Pendant longtemps, la prise en considération des auteurs anglais à la Comédie-Française relève de « l’emprunt »… pour ne pas dire du pillage : on joue en effet sous le nom d’auteurs français des adaptations très libres de Shakespeare, ou de romans à succès, comme par exemple Pamela de Samuel Richardson. Il faut attendre les années 1920-1930 pour voir entrer au Répertoire des auteurs fidèlement traduits, toutes langues confondues – seul Goldoni fait exception, il y entre dès 1771 mais pour des pièces écrites directement en français.
Shakespeare, très souvent joué au Répertoire et même hors Répertoire, éclipse la majorité des auteurs élisabéthains. On présente très ponctuellement et tardivement William Congreve (Amour pour amour, traduit par Guy Dumur, en 1989) et Henry James, américain naturalisé britannique, dont Jean Pavans adapte le roman Les Papiers d’Aspern en 2003.

En 1927, l’Écossais Sir James Barrie – inventeur du personnage de Peter Pan – est le premier auteur britannique à être joué au Français de son vivant avec La Vieille Maman, traduit par Fernand Nozière, puis 12 £, en 1937, traduit par Marie Austine et Jules Delacre.
Un mouvement s’amorce dans les années 1980, avec la reconnaissance d’un nouveau courant de dramaturgie britannique que le théâtre va interpréter (Conférence au sommet, de Robert David Macdonald, traduit par Claude Baignères et Anne Tognetti, 1987) pour se confirmer au début des années 2000. Sont alors programmés Harold Pinter dans les traductions d’Eric Kahane (Un pour la route, Une sorte d’Alaska, Victoria Station, C’était hier en 1987, Le Retour en 2000, L’Anniversaire en 2013 et Trahison en 2014), John Osborne (Un bon patriote ? adapté par Paul Quentin en 1989), Tom Stoppard (Arcadia traduit par Jean-Marie Besset en 1998), Gregory Motton (Gengis parmi les pygmées, traduit par Nicole Brette, 2004) et Edward Bond (Existence traduit par Michel Vittoz en 2013 et La Mer traduit par Jérôme Hankins en 2016).

En dehors de Shakespeare, les dramaturges anglais ont été finalement peu présentés sur les scènes de la Comédie-Française et seuls Sir James Barrie, Harold Pinter, Tom Stoppard et Edward Bond sont entrés au Répertoire c'est-à-dire qu’ils ont été joués sur la scène principale de la Comédie-Française, aujourd’hui la Salle Richelieu. Le retentissement des trois derniers tient à leur situation exceptionnelle d’auteurs contemporains, entrés au Répertoire de leur vivant, ce qui, pour la critique, est à la fois synonyme de consécration et d’accession au canon littéraire qui en fait des « classiques ». Notons que pour La Mer de Bond, si la critique reconnaît que cette pièce est une clé d’entrée dans l’œuvre du dramaturge, elle estime, avec le metteur en scène Alain Françon, que le Français ne peut s’arrêter là et doit aussi interpréter ses œuvres plus radicales. Bond fut l’un des premiers à reconnaître le talent de Sarah Kane. Avec Anéantis, traduit par Lucien Marchal, cette autrice britannique majeure du XXe siècle sera jouée pour la première fois à la Comédie-Française, au Studio-Théâtre, hors-répertoire donc.

  • Visuel : La Mer, mise en scène d'Alain Françon, 2016 - photo. Christophe Raynaud de Lage
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