Pièce politique et passionnelle
« MA TRAGÉDIE n’est pas moins la disgrâce d’Agrippine que la mort de Britannicus. » Ainsi Racine définit-il Britannicus dans sa préface. Pour l’auteur, le sujet politique et familial est donc tout aussi important que le sujet pathétique, mais la sensibilité du public de l’époque tend à le contredire. S’il choisit d’intituler sa pièce du nom d’un personnage secondaire, c’est que le public de son époque s’émeut des figures attendrissantes, dont Britannicus est l’archétype.
Politique par son sujet, elle l’est aussi par le contexte de sa création. La préparation de cet événement se joue dans les salons, où Racine lit sa première pièce romaine inspirée de Tacite et Suétone, et où on laisse entendre qu’il s’est surpassé, écrivant la meilleure tragédie de son temps. On rapporte même qu’elle pourrait tout bonnement effacer la production tragique antérieure – notamment celle de Corneille –, devenant un véritable coup d’État littéraire. Lors de sa création le 13 décembre 1669 à l’Hôtel de Bourgogne, elle fait d’ailleurs les frais d’une cabale et subit la concurrence d’une exécution capitale.
Politique, elle l’est encore par la récupération qu’en fait la critique qui suppose que Louis XIV y aurait trouvé une raison de renoncer à l’un de ses plaisirs favoris, celui de la danse, marquant un tournant du règne vers une austérité affichée, suivant en cela Narcisse rapportant à Néron que les Romains critiquent son goût et sa pratique du théâtre, incompatibles avec l’exercice du pouvoir.
L’histoire de l’interprétation de Britannicus tient beaucoup à l’équilibre instauré par les acteurs dans la distribution des rôles. Dans un premier temps, le rôle-titre en est considéré comme le héros par les spectateurs qui aiment à verser des pleurs. Le public réclame que Floridor, créateur de Néron et acteur apprécié de tous, laisse ce rôle exécrable de peur d’être « obligé de lui vouloir du mal ». Le rapport s’inverse en 1757 quand Le Kain s’empare du rôle de l’Empereur. Son tempérament le pousse à sortir d’une interprétation du « monstre naissant » en demi-teinte, pour en faire un tyran totalement assumé. Néron et Agrippine prennent alors le dessus, le politique prenant l’ascendant sur le pathétique.
La mise en scène de Jean Marais pour la Comédie-Française, en 1952, provoque une bataille dans la salle mais aussi un fort émoi dans la Troupe. Tout juste engagé comme pensionnaire dans l’emploi des « princes de tragédie », l’acteur omnipotent réalise à la fois la mise en scène, les décors, les costumes du spectacle et interprète lui-même Néron face à Marie Bell en Agrippine. Ce qui est vu comme une prise de pouvoir au sein du premier théâtre de France résonne étrangement avec le sujet de la tragédie. Marais est hué et donne sa démission quelques mois plus tard.
À l’opposé de cet essai d’ouverture avorté, la mise en scène par Michel Vitold, en 1961, permet à deux immenses interprètes du Français de se mesurer à des personnages qui sortent de leur emploi habituellement comique dans un duel des plus convainquant : Annie Ducaux en Agrippine et Robert Hirsch en Néron.
L’interprétation de Jean-Pierre Miquel, en 1978, va dans le sens d’une pièce purement politique, en écartant totalement l’arrière-plan psychanalytique qui dominait depuis quelques années dans la critique littéraire. En 1989, Jean-Luc Boutté offre à son tour une mise en scène de la pièce. Il prend le contrepied de la lecture de Miquel dix ans auparavant en soulignant le processus passionnel, le « monstre naissant », la dimension politique étant selon lui intrinsèque à la pièce.
La dernière mise en scène en date est celle de Brigitte Jaques-Wajeman au Théâtre du Vieux-Colombier, en 2004, mettant en relief une relation incestueuse entre Néron et Agrippine. Stéphane Braunschweig se situe à mi-chemin de ces traditions, offrant une interprétation à la fois politique et passionnelle, où les affects viennent perturber les jeux du pouvoir.
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