Le conte dans le répertoire de la Comédie-Française
Si l’on me demandait ce qu’est un conte, je répondrais instinctivement que c’est une voix pour rentrer dans la nuit.
Jacques Allaire, metteur en scène des « Habits neufs de l’Empereur »
LE GENRE LITTÉRAIRE DU CONTE porte dès son origine des caractères à la fois oniriques et moraux, à destination des enfants mais aussi des adultes, qui seuls peuvent percevoir sa dimension subversive. Il n’est donc pas étonnant que des metteurs en scène du XXIe siècle tentent de porter un nouveau regard sur ce genre, en proposant des réécritures inventives à destination de tous les publics.
Les contes constituent un fabuleux répertoire dans lequel le théâtre a souvent puisé et ce, dès le XVIIe siècle. Les spectateurs sont alors friands des pièces dites à machines avec tout leur cortège d’effets merveilleux. Au XVIIIe siècle, ce goût ne se dément pas et des adaptations de contes de Charles Perrault fleurissent sur les scènes, offrant des changements de décor à vue spectaculaires. Ses contes sont devenus une telle référence que Beaumarchais, dans une parade intitulée Les Bottes de sept lieues – pièce qui sera jouée Salle Richelieu en 1932, hors répertoire, lors de la célébration du bicentenaire de la naissance de l’auteur –, fait dire au personnage de Gilles, apostrophant le public : « c’est z’icy que l’on voit […] ces fameuses bottes […] composée par ce fameux monsieur Perrault ».
Si le conte merveilleux alimente les théâtres de la Foire et du boulevard, la Comédie-Française reste plus en marge de cet engouement. Ainsi, la présence de ce genre au sein du Répertoire est discrète. On y monte des pièces aux titres suggestifs qui restent néanmoins assez éloignées de la littérature enfantine, comme La Coupe enchantée de Jean de La Fontaine et Champmeslé (1688, d’après deux contes de La Fontaine, Les Oies de Frère Philippe et La Coupe enchantée, inspirés eux-mêmes de Boccace et de L’Arioste), Le Petit Chaperon rouge de Félix Gandera et Claude Gevel (1919) ou encore Poudre d’or de René Trintzius et Amédée Valentin (1928). En revanche, des œuvres aux titres moins évocateurs se nourrissent de l’imaginaire du conte. Des personnages de fées s’introduisent dans L’Oracle de Germain-François Poullain de Saint-Foix (1740), Les Fées de Dancourt (1699), L’Amour et les fées du cardinal de Bernis (1746) ou encore Arlequin poli par l’amour de Marivaux (1720) ; un talisman dans Il était une bergère d’André Rivoire (1905) ; un génie dans Amour pour amour de Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée (1742)…
Bien que le conte merveilleux soit le genre le plus représenté dans les adaptations pour les scènes hors Comédie-Française tout au long du XVIIIe siècle, le conte philosophique et moral devient, vers la fin du siècle, une nouvelle source d’inspiration, traduisant des enjeux politiques, culturels ou sociaux. Ainsi, Rochon de Chabannes tire sa pièce Heureusement – créée par les Comédiens-Français en 1762 – de deux Contes moraux de Marmontel, à qui on attribue la paternité du genre, et qui s’affranchit progressivement de la féerie. Beaucoup plus récemment, en 2012, Emmanuel Daumas livre sur la scène du Studio-Théâtre une adaptation rythmée du Candide de Voltaire, qu’il qualifie « d'œuvre espiègle et pernicieuse », où il s’agit de voir « jusqu’où on peut repousser la limite de notre acceptation ».
La fable, un parent proche du conte, s’immisce également au sein du répertoire de la Comédie-Française, notamment à travers les œuvres de Jean de La Fontaine. Ainsi, ses fables animalières font l’objet de soirées littéraires, en 1975 et 1986, tournent aux États-Unis en 1996, sous la direction de Michel Favory, avant d’être orchestrées, en 2004, par le metteur en scène et plasticien Robert Wilson sur le plateau de la Salle Richelieu.
Avec Le Loup, d’après les Contes du chat perché de Marcel Aymé (mise en scène Véronique Vella), en 2009, la Comédie-Française renoue avec cet intérêt des arts de la scène pour le conte – plus spécifiquement à destination d’un jeune public – et lui donne « une nouvelle forme d’oralité ». Au cours des saisons suivantes plusieurs adaptations de contes d’Andersen posent toujours la question de leur adaptation : Les Habits neufs de l’empereur (mise en scène Jacques Allaire, 2010), Les Trois Petits Cochons (mise en scène Thomas Quillardet, 2012), La Princesse au petit pois (mise en scène et adaptation Édouard Signolet, 2013), La Petite Fille aux allumettes (adaptation d’Amrita David et Olivier Meyrou, 2014). En 2016, Véronique Vella prolonge avec un autre conte de Marcel Aymé, Le Cerf et le chien, son intérêt pour la porosité entre animalité et humanité. Dans ces différentes propositions, toutes présentées au Studio-Théâtre, la prise en charge de la narration et de la dimension métaphysique du conte – en passant par la parole mais aussi par le son et l’image – nourrit l’imaginaire enfantin tout en restituant au spectateur de tout âge les dimensions politique, poétique et parfois contestataire.
En raison des mesures de sécurité renforcées dans le cadre du plan Vigipirate « Urgence attentat », nous vous demandons de vous présenter 30 minutes avant le début de la représentation afin de faciliter le contrôle.
Nous vous rappelons également qu’un seul sac (de type sac à main, petit sac à dos) par personne est admis dans l’enceinte des trois théâtres de la Comédie-Française. Tout spectateur se présentant muni d’autres sacs (sac de courses, bagage) ou objets encombrants, se verra interdire l’entrée des bâtiments.